Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Comme le feu » : les retrouvailles houleuses entre un réalisateur et un ami scénariste

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Une voiture file dans un paysage de montagne, sur une route au Canada. On la suit longuement, entre virages et sapins, tandis qu’une musique minimaliste emplit tout l’espace. Aucun autre son n’est audible, le bruit du véhicule a été coupé. Seules les notes répétitives de l’orgue commencent à semer mille questions. On devine quatre personnages à bord, mais qui sont-ils, et où vont-ils ? La caméra, qui finit par se faufiler à l’intérieur de l’habitacle, se concentre sur les mains de deux passagers à l’arrière : celles d’un jeune homme cherchant à frôler les doigts de la fille assise à côté de lui. Le drame est-il là, ou ailleurs ? Imperturbable, la bande-son continue de déverser ses notes de suspense. On n’a toujours pas vu le visage d’un seul protagoniste, mais cela ne va pas tarder.
Il y a des films dont le dispositif captive, par un détail que seul le cinéma peut créer : il en va ainsi de l’ultrasensible Comme le feu, du Québecquois Philippe Lesage, primé en février à Berlin (Grand Prix du jury de la section génération). Il fallait regarder le véhicule rouler tel un fantôme (on n’entend pas le son du moteur), sans le début d’un seul indice, pour pouvoir basculer dans un autre espace-temps. Ensuite, et seulement ensuite, le spectateur peut entrer dans la forêt d’une histoire enchevêtrée, dont les adultes tirent seuls les ficelles.
Tels des marionnettes, les trois personnages adolescents de ce drame n’ont plus qu’à assister, impuissants, au désolant spectacle offert par les aînés : outre le jeune amoureux transi, Jeff (Noah Parker), il y a la brune Aliocha qu’il aime en secret (Aurélia Arandi-Longpré), et le frère de celle-ci, Max (Antoine Marchand-Gagnon).
Né en 1977, auteur de longs-métrages de fiction sur l’enfance et l’adolescence tourmentées, à teneur autobiographique – Les Démons (2016), Genèse (2019) –, Philippe Lesage réalise ici son film le plus abouti, déployant un talent vertigineux dans la direction d’acteurs. Pendant plus de deux heures, son cinéma de la sensation nous attache à mille variations (la phrase de trop, le silence des femmes…) au fil d’un récit inspiré d’une histoire vécue. Jeff est invité par son meilleur copain, Max, à passer le week-end dans le grand chalet d’un cinéaste célèbre, un dénommé Blake (Arieh Worthalter), ami du père de Max et d’Aliocha, Albert (Paul Ahmarani), lui-même scénariste – on découvre celui-ci au début du film, au volant, l’air pincé, en compagnie des trois jeunes.
Il vous reste 44.1% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish